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La guerre donc.
Et l'incertitude quant au sort de Renée. Aucun courrier adressé à son mari au
front ou reçu de lui ne nous est parvenu. A peine a-t-on de ses nouvelles dans
ce qu'écrit Alfred à ses parents.
Le 3 août 1914, le soldat a
rejoint le 82ème de ligne à Montargis. Où a-t-il laissé son épouse et sa fille ?
On ne peut qu'imaginer l'angoisse de la jeune femme, probablement de longs jours
sans nouvelles. Un mois plus tard, celle qu'elle apprend ne doit pas l'apaiser :
son mari a été blessé quelque part dans l'est. Mais peut-être après tout cette
blessure à la jambe a-t-elle éveillé l'espoir d'un éloignement définitif du
front ?
A la mi-octobre, le blessé est toujours au repos. " Peut-être qu'il
faudra que Renée reste avec moi, jusqu'à la fin pour m'aider, car je ne vais pas
partir avec le détachement… " écrit-il le 13. Elle l'a donc rejoint.
D'autres indications laissent entendre des aller-retours entre Cellettes et le
lieu où le soldat soigne sa blessure : " Chers parents, je vous écris deux
mots pour vous donner de nos nouvelles, attendu que vous allez en avoir par René
et mon Yvonnette qui m'ont quitté hier soir j'espère pour me revenir au plus
vite… " .
Nous sommes alors début novembre. La petite famille reconstituée
a peut-être trouvé refuge, dans la région Nevers-Moulin, chez un " oncle à Mary
" dont nous ne savons rien, sinon que son accueil de " braves gens "
mérite récompense.
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Cette carte postale
d'un cantonnement de soldats rieurs est-elle de caserne ou de guerre ? Dans ce
dernier cas, elle serait d'août 1914. Elle confirmerait alors l'assurance avec
laquelle les hommes ont abordé la guerre -avant que l'offensive sur les
frontières de l'est ouvre les portes de l'enfer.
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Dans sa belle capote neuve
bleu-horizon, comme celle du Musée de Péronne à gauche, Alfred Merveille est
monté à l'assaut de Neuville-Saint-Vaast, le 9 mai 1915. Et comme Jean Lesenne, qui
repose, lui, à la nécropole nationale de La Targette, il y a vu le soleil
pour la dernière fois.
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Deux mois et demi plus tard,
Alfred n'est toujours pas retourné sur le front -ce qui donne une idée de la
gravité de sa blessure.
En effet, après la saignée des
premières semaines de guerre (492 000 morts ou disparus en 4 mois et demi !), il
n'est pas question d'accorder des convalescences de confort aux blessés. Comme
l'écrit Alfred à ses parents : le médecin-inspecteur ne " marchande pas
", lui, " guéri ou pas, bon ".
Le 2 janvier 1915, il annonce
son prochain départ et recommande sa " chère petite Renée " à ses
parents. Celle-ci ne va, semble-t-il, pas très bien. Sa santé et son état de
fatigue inquiètent le mari. Se sont-ils revus avant ce tragique 9 mai 1915, où
le " soldat brave et dévoué " Alfred
Merveille participe à son
ultime assaut dans l'Artois, avec, pour la première fois, son uniforme bleu-horizon
? Où est-elle quand arrive la fatale nouvelle ? La dernière adresse portée
sur le dossier militaire d 'Alfred est : 2, rue Grétry à Paris. Mais
sur la fiche militaire
de "Mort pour la
France", il est signalé que l'"extrait du registre des décés [a été] adressé à
La Ferté-sous-Jouarre Seine et Marne le 19 mai 1915".
On connaît la formule qui chargeait
les maires d'annoncer aux familles la mort d'un soldat " avec tous les ménagements
nécessaires en la circonstance
"… Un élu de la Ferté serait donc
venu trouver Renée, rue de la Gare, chez la tante d'Alfred.
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Il
a bien alors fallu fondre sa douleur dans celle
des centaines de milliers d'autres femmes et d'enfants dont la vie a soudain
basculé. " Impôt du sang ", " sublime sacrifice ", les métaphores ne
manquent pas pour habiller de tricolore le vide qui s'ouvre devant les veuves
et les orphelins. Et après tout, peut-être tout cela a-t-il rendu
le deuil moins insupportable et forgé à Renée , dans l'héroïsation de son Alfred, le caractère qui
lui a permis de l'accepter ?
D'autant qu'il a bien fallu aussi
continuer à vivre avec une petite fille de 4 ans. Quels soutiens a-t-elle
trouvés ? Son père journalier et sa mère nourrice n'étaient guère en
état de l'aider, sauf à garder la petite. Les parents du héros avaient plus
de moyens mais les relations devaient manquer de chaleur. Restait la
collectivité. Mais en 1915, tout l'effort du pays est tendu vers la guerre. La
solidarité nationale pour les veuves et orphelins de guerre, ce sera pour plus
tard. La littérature administrative, surtout celle de l'armée, ne donne pas dans
l'élégie : le dossier militaire d'Alfred se contente de noter qu' " un
secours de 150 Francs a été payé le 10 juillet 1915 à la veuve "… Le quart du salaire annuel d'un cantonnier: voilà au moins une vie
dont le prix
n'a pas ruiné la Patrie.
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"Ton petit papa est
décédé derrière cette maison démolie par les
boches"
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attendez, c'est pas
fini...
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