Il n'est pas beau, ton petit, Marie ?
 
Ténébreux à la Bogart, le cheveu ondulé, c'est vrai qu'il fait plus petite frappe de cinéma B qu'agneau de Pâques.
 
Bon, une photo de nourrisson serait plus émouvante mais, au printemps 1910, les photographes de nourrissons abandonnés ne couraient pas les couloirs de l'Hôtel Dieu de Blois.
 

Quel âge a-t-il là-dessus ? Celui du Conseil de Révision, probablement, cette cérémonie réjouissante au cours de laquelle, devant les élus et autorités du canton, la plupart ganaches avérées, les garçons défilaient à poil et montraient qu'ils étaient des hommes, des vrais.

 

 
20 ans, donc, ou un peu plus puisque son " livret individuel ", autre vénérable institution, indique la date du 15 avril 1931 pour son " ajournement " et celle du 15 juillet 1931 pour " bon service armé ". Ajournement : la hantise des pères et des mères, la marque d'infamie pour une famille honnête. Pas " bon pour le service ", pas un homme. Va te marier après cela. Sans père, ni mère (ah ! Marie ), ni famille honnête, Marcel, lui, a tout du vrai mâle, la mâchoire solide, le regard droit qui sent à la fois la décision et une imperceptible fragilité d'encore gosse un peu boudeur. " Les pieds plats ", voilà le défaut du beau mec, défaut honorable, virilité impeccable.
 

 
D'ailleurs, pour couper court peut-être, Marcel s'engage. Et là, pieds plats ou pas, il est le bienvenu au 30ème Régiment d'Artillerie Divisionnaire où, comme 2ème canonnier conducteur, il tient une bonne conduite pendant 18 mois, servant avec honneur et fidélité, ainsi que l'atteste le colonel Lemière. Le 19 mai 1933, Certificat de Bonne Conduite en poche, le cœur léger d'avoir accompli son devoir citoyen, il peut rentrer la tête haute à Cellettes où l'attend la belle Yvonne pour l'épouser , et que le scribe du régiment situe vaillamment dans le canton de Couddes. Finie l'Armée.
 
Rafistolé, voici le "Certificat de bonne conduite" délivré à Marcel. Précieux papier en vérité! C'est, avec le "livret matricule", une des rares archives qui ait échappé à son dédain de la paperasserie. Parce que c'étaient des "papiers officiels" avec tout le respect qui leur était dû -ou toute la crainte qui s'attachait à leur perte ? Ou parce qu'Yvonne a su les préserver ?
 
Finie ? Attends : de l'autre côté du Rhin, un clown pas drôle du tout a, en trois mois, volé tous les pouvoirs. Alors qu'est-ce qu'on va retenir pour ce beau printemps 1933 ? La montée d'Hitler ? Les épousailles Alexandre-Marcel-Stanislas Lefresne et Yvonne Merveille ?
 
             Va pour le mariage .