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..." je ne suis pas du tout gentille"...
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La petite Yvonne Merveille donne-t-elle
du fil à retordre aux " demoiselles " ? Elle-même reconnaît, dans une
carte non datée, qu' elle n'est pas " du tout gentille ", que " [ses]
maîtresses sont mécontentes " parce qu'elle " ne les écoute
pas ". Et les tourments de l'aveu renforcent le sentiment de culpabilité
d'une petite fille de 8 ou 9 ans, loin de sa " chère maman " : "
mais tu sais (…) j'ai à te dire une chose qui ne te fera pas plaisir…
". Sa mère nous confirme, dans un courrier du 29 avril 1920, que la conduite
d'Yvonne n'est pas exemplaire : " J'ai reçu la lettre de Mademoiselle Renée
où elle me dit que ta conduite n'est toujours pas très bonne. Cela me fait de la
peine… ". L'en-tête de la carte -" Mon Yvonnette chérie "- et la
tendresse qui transparaît -" pourtant va je t'aime beaucoup et je pense bien
à toi "- ont-ils atténué chez la fillette la terrible menace que sa mère
croit devoir faire ? " tu vas pour la Pentecôte avoir des vacances je vais
aller te chercher si tu es sage autrement tu resteras et je n'irai même pas te
voir… " ?
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En dehors de quelques visites de
sa mère, peut-être accompagnée de sa tante Cécile Robin, et de ces sorties dont
elle est menacée d'être privée, tous les rapports mère-fille se déroulent donc
par courrier. On connaît mieux comme intimité chaleureuse. Ni la tendresse-PTT,
ni les colis de vêtements, les quelques friandises ou les jolis rubans ne
remplacent la chaleur de la présence maternelle. Rien de bien étonnant donc que
la petite Yvonne ait été un peu dissipée. Le temps a prescrit les défauts de
comportement et, du coup, la descendance a plus de raisons de s'en réjouir que
de s'en offusquer. Une aïeule chahuteuse est plus attendrissante qu'une pimbêche
trop sérieuse...
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1921 doit avoir été particulièrement
difficile pour elle. Le 17 avril, un correspondant (une correspondante ?)
inconnu(e) informe sa mère d'un état de santé inquiétant. Le courrier tient sur
deux cartes postales de " l'œuvre de Mademoiselle Bonjean " et se veut
rassurant. Non, " elle n'a jamais été en danger ". Oui, " elle se
lève et est en voie d'amélioration rapide " et " est entourée de bons
soins ". Mais, bon, elle " est à surveiller de près " après la "
petite poussée de tuberculose intestinale ". Si elle " passe la
formation " correctement, tout ira bien, mais, avertit le-la
correspondant-e, ce sera un moment difficile, d'autant que " la petite n'est
déjà pas solide par tempérament " ce qui est " bien ennuyeux ". En effet...
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Eh bien, Yvonne, il ne te manquait plus
que cela, une santé déficiente au point que l'on juge ton état inquiétant. Le
plus remarquable, c'est que la mère a été tenue dans l'ignorance puisqu'on la
croyait " au courant depuis longtemps
".
Il est vrai que l'absence de
courriers de sa fille aurait pu l'alerter. Mais la mère aimante a bien d'autres
préoccupations à cette époque. Voilà que son ventre s'est un peu arrondi. Normal
puisqu'elle est à mi-grossesse.
Comment la petite fille a-t-elle pris l'arrivée d'une sœur,
elle qui se trouve éloignée de sa mère depuis si longtemps ? Passer du duo
mère-fille au quatuor -il a bien fallu un mâle pour composer cette nouvelle
partition-, voilà qui a dû un peu perturber une enfant déjà affaiblie et qui n'a
pas vu sa " chère petite maman " depuis un moment.
Rien ne nous reste de ce séisme. Le 24 septembre 1932, Yvonne
écrit à sa " Chère Petite Maman ", de Châteaurenard, où elle travaille,
qu'elle " aurait bien voulu demain [l'] accompagner au cimetière
sur la tombe [du] pauvre Roger qu'[elle] n'oublie pas : il y a donc, 10 ans après le second
mariage de sa mère avec Roger Richemont, de l'affection pour le père de sa
petite sœur Denise. Mais les sentiments qu'on éprouve à 21 ans peuvent-ils
rendre compte de ceux qu'on a eus à 10 ?
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Il faut croire qu'après la rude
alerte de 1921, Yvonne a repris du poil de la bête. De 1922, elle nous lègue un
petit carnet rigolo et précieux. L'image pieuse qui orne sa couverture, une
madone un peu dédaigneuse et même, pour un mécréant, un tantinet allumeuse,
annonce la couleur : nous entrons avec lui, derrière Yvonne, dans le domaine des
cuculteries bénites.
Ô Yvonne, comme tu serais
mécontente du ton qui engage ce paragraphe. Et puis tu sourirais, indulgente, et
pas seulement parce que c'est un de tes petits qui blasphème, mais aussi parce
qu'au fond, tu apprécierais la transgression. De page en page, ton écriture se
dégrade : splendide sur la garde, carrément sale à la fin. " Ecce Agnus Dei " a
écrit Yvonne Merveille, le 25 mai 1922, pour ouvrir le journal de sa " retraite
". Suivent les récits des " instructions " données par le curé. Qu'apprenait-on
aux petites filles de 11 ans en 1922 ?
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